Catégories
Culture Africaine Opinion

LE BAMILEKE ET SA SPIRITUALITE

Par Jean Roger Kuate (psychologue)

Le peuple Bamiléké comprend un ensemble de tribus qui se situe dans l’espace appelé Grassfield (c’est-à-dire un vaste champ d’herbes) par les Anglais. Il s’agit d’une région de hautes terres recouvertes d’une grande savane herbeuse aujourd’hui complètement humanisée et fortement verdoyante. Selon Cheikh Anta Diop, ce peuple descend de la vallée du Nil de l’Egypte ancienne et aurait migré vers la région de l’actuel Adamaoua (entre le IXe et XIe siècle) avant de rejoindre l’espace qu’il occupe aujourd’hui. Au cours de ses nombreux périples, le peuple Bamiléké essentiellement migrant a su conserver l’essentiel de sa culture ancestrale fondée sur une spiritualité monothéiste. Cette spiritualité est basée sur l’idée originelle qu’il existe un seul Dieu qui a créé le monde avec les humains et tous ce qui l’entoure. Il a créé ceux qui nous ont précédés et grâce à qui nous avons la vie. Ces ascendants qui nous ont engendrés ne sont plus vivants en chair mais ils sont toujours avec nous dans notre vécu quotidien. Ils sont proches de Dieu en tant qu’esprit, ils veillent sur nous et nous avons aussi le devoir de veiller sur eux et de marcher selon les normes qu’ils nous ont transmises par le biais des traditions.

Religion et spiritualité dans la culture Bamiléké

Chez les Bamilékés, la spiritualité est immanente à sa culture. Elle est au centre du vécu social et de toutes les pensées et comportements individuels. Il n’existe pas de religion à part et une vie à part. La culture prend sa source dans la spiritualité. Au cœur de cette spiritualité, se trouve Dieu. Dieu (« SI » chez de nombreux peuples Bamilékés) apparait dans cette culture comme un être unique invisible, omnipotent, créateur de tout, omniscient qui a contrôle sur toutes ses créatures. La vie dans la société Bamiléké est avant tout une vie communautaire et communautariste. Ainsi Dieu apparait comme l’être qui est au centre de toute communauté. Chaque communauté essaye de se l’approprier et de le louer comme s’il leur appartenait en priorité. Les Bamiléké de Bandjoun diront « Si Todjom » pour parler de ce Dieu qui serait à l’origine de leur village. Chaque petite localité dans le village va aussi se l’approprier et avoir son lieu de culte. C’est pareil dans chaque « concession ». La concession est un lieu physique de regroupement d’une famille. Il ne s’agit pas d’une « parcelle » au sens où l’on l’entend dans les villes, mais plutôt d’un lieu ou un chef de famille implante sa famille. Ce lieu comprend des maisons (pour chaque femme/epouse, pour le chef de famille et éventuellement sa fratrie, les enfants surtout males etc.) En plus des maisons, la concession comprend aussi ses champs et vergers autour de la maison, des arbres plantés pour de nombreuses raisons, ses bêtes d’élevages (poules, chèvres, porcs etc.), ainsi que sa forêt ou tout au moins ses arbres. Autrefois, la concession était entourée d’une haie vive qui servait de délimitation entre plusieurs concessions. Sur ces arbres plantés tout autour de la concession, le chef de famille initiait la construction d’une barrière pour empêcher ainsi les animaux de passer d’une concession à l’autre les empêchant ainsi de manger les cultures du voisinage et créer des conflits. La spiritualité Bamiléké est très étroitement liée à sa culture et aux comportements de son peuple.  Il n’y a pas de religion proprement dite comme on désignerait le christianisme, l’Islam, le Bouddhisme etc. C’est une façon de concevoir la vie sur terre et dans l’au-delà qui régit la vie des vivants et même des morts. Ce peuple est convaincu que la mort n’est pas une néantisation de l’humain. La mort est juste une phase au cours de laquelle le corps de la personne périt, mais son âme qui est comme son double, restera autour des vivants même si on ne peut plus la voir avec des yeux physiques. L’esprit des parents décédés continue de veiller sur sa progéniture, de la protéger autant que possible, même si ceux-ci ne le voient pas. Seuls quelques « voyants », initiés ou des personnes qui en ont les capacités pourront voir ces êtres qui ne sont plus de chair. Ces êtres qui sont à l’origine de notre existence sont à la base de notre vécu sur terre. Le monde physique dans cette conception repose essentiellement sur le monde spirituel. Ces êtres ont été comme nos représentants de Dieu sur terre et nous devons les honorer de leur vivant et même après leur « mort ». Après leur mort ils iront tout proche de Dieu en tant qu’esprit, puisque Dieu n’est qu’esprit.

Le lieu sacré (« Tchouop Si »)

Dans chaque concession, le chef de famille fondateur de la concession plantait un arbre spécifique qui servait de lieu de culte. Cet arbre s’appelle « Yam » chez les Bandjoun. C’est exactement sous cet arbre que lui (chef de famille) et ses descendants viendront s’adresser à Dieu, surtout dans des circonstances particulières. Cet endroit s’appelle « Tchouop Si ». Chaque famille avait donc son « Tchouop Si ». Le chef de famille (successeur) pouvait y demander des grâces pour sa famille et surtout sa progéniture. On pouvait y faire siéger un tribunal afin de réclamer la justice divine lorsque des gens sont accusés. Ce lieu sacré est un véritable temple en plein air, pour les membres de la famille où ils peuvent se confesser, demander la santé, la prospérité et toutes sortes de bénédictions. C’est avant tout le lieu de nombreuses offrandes faites au Dieu de la concession. Les offrandes sont généralement de l’eau fraiche, du sel, de l’huile de palme rouge, de la kola, du jujube, l’arbre de paix (Pfouekeng), la chèvre, la poule, la pâte de maïs cuite mélangé dans l’huile rouge, des aliments cuits avec viande et poisson, du vin de raphia, etc.

Le « Tchouop Si » reste un lieu toujours bien aménagé où personne n’a le droit ni de jouer ni le souiller. Lors des cultures, on évite sagement que le feu s’approche de cet endroit qui doit toujours rester vivifié et plein de fraicheur. C’est aussi un endroit plein de vie puisque les fourmis et autres petites bêtes du sol, ainsi que les oiseaux y viendront se nourrir avec des offrandes alimentaires après des rites.  Personne n’aura idée d’y venir faire quoi que ce soit de négatif pour autrui ou pour la communauté sans risquer de recevoir les foudres du Dieu de la concession. Dieu y est présent en permanence. En général on est seul à s’y adresser à ce Dieu présent bien qu’invisible. En cas de problèmes, de conflits familiaux ou intracommunautaires, on va y rechercher la vérité. Il arrive qu’on recherche l’aide d’un officiant tel que le chef de famille ou une autre personne ayant pouvoir de le faire. Entouré de quelques membres de la famille ou des proches concernés par le problème qui les y emmènent, l’officiant parlera et invoquera l’aide de Dieu. Les personnes concernées peuvent tout aussi parler à tour de rôle individuellement en s’adressant à Dieu et en se confessant ou en récusant les accusations, en implorant le soutien de Dieu devant qui il se trouve ainsi. Chaque personne qui parle à un rapport personnel avec Dieu d’un rapport personnel à Dieu. Le chef de famille, un initié ou un ainé social peut parler à la place du/de la concerné/e présent ou absent. En général, le nom du/de la concerné/e est prononcé lors de cette cérémonie et l’officiant élève des prières et des sollicitations pour le/la concerné/e.

Les crânes des ancêtres (« Tse pfe »)

Case des ancetres bamilekes (photo Douce Cahute. https://maison-monde.com/larchitecture-bamileke/)

Selon le socio-anthropologue, Roger Kuipou[i], « Être ancêtre, c’est avoir réussi son cheminement vers le monde où vivent les générations défuntes qui nous ont précédés jusqu’à Dieu. Ce parcours commence avec la mort et s’achève avec la résurrection symbolique lors de la cérémonie des crânes. Le défunt y revient prendre une place parmi les vivants. Celle place est matérialisée par une case, la « case des crânes » ou « case des ancêtres », que chaque famille se doit de posséder. Ce n’est pas un mausolée mais une case vivante et dynamique, consacrée à un seul ou à plusieurs membres décédés de la famille. Ils y sont présents, physiquement, par leurs crânes ; ils y « vivent » puisqu’on peut les y consulter, les nourrir, les associer à tous les événements ou à toutes les décisions importantes de la famille. Le crâne, plus que la case, est le symbole de la présence des ancêtres parmi les vivants. Le défunt qui revit est l’intercesseur de la famille auprès des ancêtres et auprès de Dieu. »

Birago Diop disait qu’en Afrique,

« Les Morts ne sont pas sous la Terre :

Ils sont dans l’Arbre qui frémit,

Ils sont dans le Bois qui gémit,

Ils sont dans l’Eau qui coule,

Ils sont dans l’Eau qui dort,

Ils sont dans la Case, ils sont dans la Foule :

Les Morts ne sont pas morts. »[ii]

Les défunt devenus esprits sont partout et dans la nature, ils sont autour de nous et en nous.

Selon le Pr. Cheikh Anta Diop, les Bamilékés descendent de l’Egypte pharaonique et ils ont gardé la tradition de conservation des restes de leurs ancêtres et parents. Ne pouvant plus les momifier et les garder à un endroit précis en tant que migrants au fil des siècles, ne pouvant se déplacer avec les restes tout entiers, ils ont opté pour la conservation des crânes, partie la plus représentative de la personne et siège de l’intelligence et de l’âme du défunt. Depuis leur arrivée dans la pleine Tikar et leur migration sur les hauts plateaux de la région de grassfield, ils ont inhumé leurs morts dans les maisons afin que ceux-ci reposent à l’abri du soleil et de la pluie. Malheureusement, les maisons étant fragiles et s’effondrant au bout de quelques décennies, il leur est difficile de continuer à garder ces morts à l’abri de la pluie et du soleil. Finalement, après plusieurs années ils exhumaient les crânes des leurs et les conservaient dans la case des crânes ou maison des ancêtres construite dans chaque concession. En général, ces crânes sont à l’abri des intempéries et bénéficient non seulement de la chaleur humaine, mais aussi de la chaleur du feu de bois souvent allumé par le successeur, ainsi que de différentes offrandes faites en de multiples circonstances. Le successeur (chef de famille) est le gardien premier de ces cranes dont il connait nommément chacun. Chaque crâne représente un ancêtre précis qu’on désigne par le nom qu’il/elle avait avant sa mort. On lui parle comme s’il avait été visible par l’orateur. On lui donne à manger ou à boire avant que les vivants ne commencent à manger et à boire. On lui demande son soutien, son intervention ou ses bénédictions dans différentes circonstances. La levée du crane est un moment décisif dans le processus « d’ancestralisation » puisque qu’il permet au défunt de passer de l’état de parent défunt a un état d’ancêtre, de l’état physique a un état spirituel. Il devient un esprit libéré des contraintes physique. Le crâne représente la partie physique décharnée et constitue une sorte de médium entre le nouveau chef de famille (père actuel) et l’esprit de ses parents. Il est aussi l’esprit de cet ancêtre. Chaque crâne représente l’ancêtre à qui il appartient, il est cet ancêtre-là.

Les ancêtres et Dieu

Le colonisateur a introduit une confusion dans les esprits en parlant du « culte des ancêtres » et en confrontant cette notion aux pratiques religieuses chrétiennes pour faire croire que les africains et les Bamilékés en particulier confondent les ancêtres avec Dieu. C’est très faux ! Les Bamilékés n’ont jamais fait de confusion entre Dieu et les ancêtres. Voilà pourquoi ils disent toujours « Le Dieu de nos parents », « le Dieu de nos ancêtres grâce à qui nous sommes présents » etc… Dieu est Dieu et les ancêtres sont les ancêtres. D’ailleurs, chaque ancêtre est désigné par son nom de famille auquel il peut être ajouté son titre : le nom que lui avaient donnés ses parents. Dieu est au-dessus des ancêtres puisque c’est lui qui les a créés. Dans la culture Bamiléké, il s’agit d’un Dieu unique et multiple. Bien qu’unique, Dieu se manifeste dans les humains et dans la nature. Il est omniprésent et chaque famille, chaque communauté se l’approprie aisément à travers son « temple » qu’est le lieu sacré.

Les ancêtres restent en quelque sorte la manifestation de Dieu sur terre, puisque Dieu est invisible. Ils ne peuvent pas être aussi parfaits que Dieu, mais Dieu leur a donné le pouvoir de nous donner vie. Ce processus de donner vie n’est-il pas en certains points proche de l’acte de création primaire qui caractérise Dieu ? Dans cette perspective, celui qui n’a pas procréé n’est pas considéré dans cette échelle de valorisation des ancêtres. Il n’est pas socialement valorisé et le sera autant moins après sa mort. En général on l’enterre avec un caillou dans la mais pour symboliser la pesanteur et pour l’empêcher de s’élever comme esprit qui pourrait renaitre dans une autre famille humaine de la communauté. Si chaque personne se caractérise d’abord par son nom, Dieu porte un nom unique partout dans la culture Bamiléké. Il s’appelle uniquement « SI » partout chez les peuples Bandjoun. Il est le même « Si » pour chacun et chaque famille ou chaque communauté en fait sien. On considère qu’il est roi (« Si be Fo »), le roi de tous les rois puisque le Roi de chaque village a aussi son « Si » et celui de sa communauté et de son royaume à qui il se réfère. C’est grâce à ce Dieu que la famille, la communauté et le royaume prospèrent. Chaque famille honore ses ancêtres et leur accorde une place de choix au moment de parler à Dieu parce qu’ils ont la capacité d’intercéder auprès de Dieu. Les Bamilékés pensent que les ancêtres nous voient et parfois interviennent dans notre vie à travers des songes ou en agissant sur notre volonté parfois pour détourner notre chemin par exemple afin de nous écarter d’un danger. Mais pour que cela se passe, en général nous devons garder les valeurs éthiques de notre société et être principalement des personnes de vérité, ou avoir raison dans des conflits. Les ancêtres sont respectés de leur vivant ou après leur mort. Ils sont présents dans la vie de tous leurs proches et principalement leurs descendants et peuvent être source de bénédiction ou de malédiction selon le comportement de ces proches. Leur courroux est particulièrement redouté de tous. Ils ont droit aux réjouissances avant même que les vivants n’en profitent. Chaque fois avant le repas, un peu de nourriture et de boisson sont répandus par terre pour eux. Il est naïf de croire qu’on les verra venir manger ou boire. Les animaux, les fourmis, les oiseaux se régaleront. Mais n’est-ce-pas aussi cela le sens du respect de la création divine ? Est-ce-que nous mangeons parce que nous sommes trop méritants ? Qu’avons – nous fait pour mériter que le sol nous donne inconditionnellement notre repas quotidien ? Est-ce que ces créatures divines ne méritent pas aussi que nous partagions avec elles ? Si Dieu est en chacun des humains, n’est – il pas finalement en chacune de ses créatures ? C’est certainement en réfléchissant de la sorte que nos ancêtres ont fini par adopter une attitude qui respecte tout l’écosystème et à refuser de tuer en vain tel qu’on le fait aujourd’hui. Autrefois les animaux et les plantes bénéficiaient du respect absolu autant que l’humain, puisque nos ancêtres savaient que sans ces créatures, la vie de l’homme était compromise. Pour tuer un animal, le Bamiléké demandait sa permission et lui expliquait la raison pour laquelle il le tuait. Par exemple, il pouvait dire à une poule, « pardonnes-moi de te tuer mais j’ai besoin de ta chair pour me nourrir ». Lors d’un sacrifice sur les lieux sacrés, j’ai entendu l’officiant dire au bouc qu’il immolait : « pardonnes-moi de t’égorger, à la place d’une personne de cette famille. Accordes que ton sang permette de laver toutes leurs peines et les malheurs qui les assaillent. Que ce sacrifice ne soit pas vain ». Souvent quelque chose est même donné en retour d’un sacrifice comme celui – la. C’était pareil lorsque l’homme devait couper un arbre.

En définitive, la spiritualité est un tout chez les Bamilékés, elle implique un Dieu unique, les humains vivants et morts, ainsi que la nature tout entière. Le vivant a au – dessus de lui ses ancêtres dont il descend, et au-dessus de tous, un seul Dieu qui leur a permis d’exister. Ces ancêtres dont les crânes sont gardés auprès des vivants ont la prérogative de veiller sur leurs descendants pendant que Dieu veille sur chacun et sur toute la communauté. La croyance en Dieu est étroitement liée à tout ce que fait l’être humain dans la communauté. Cette croyance n’est pas attachée à une religion mais à une spiritualité, une culture avec ses traditions et un mode de vie.

Différence entre la spiritualité Bamiléké et la religion chrétienne

– La religion chrétienne admet que Jésus Christ est Dieu alors que dans la spiritualité africaine et Bamiléké en particulier, il y a juste Dieu et les hommes. Lorsqu’un homme meurt chez les Bamilékés, son fils lui succède et devient l’homme (le défunt) lui-même. Jésus quant à lui n’est pas devenu Dieu après la mort de son père. Il est simplement admis que Dieu s’est incarné et s’est fait chair en lui. Chez les Bamilékés, le défunt renait à travers son successeur. Mais en aucun cas, ni les ancêtres, ni le successeur ne peuvent être considérés comme prophètes encore moins comme Dieu dans la spiritualité Bamiléké. Ils sont juste considérés comme humains dont chacun porte son nom, voire ses titres de son vivant et même après sa mort. Il n’existe pas de « prophètes » au sens chrétien et même musulman chez les Bamilékés. Bien évidemment il existe les « Kam Si » et les « Menye Si » que la société considère comme des êtres dotés d’un pouvoir de voyance. Ce sont des médiums dont on considère qu’ils ont un pouvoir venant directement de Dieu même si parfois ils bénéficient d’un minimum de formation auprès d’autres plus outillés. Ils ont la capacite de voir certaines choses que l’homme du commun ne peut voir. Souvent ils annoncent des risques et dangers encourus par certaines personnes. Les « Kam Si » et les « Menye Si » sont des « voyants » et ne sont ni Dieu, ni prophètes dans le sens Chretien ou musulman du terme.

– Pour les Bamilékés, la relation de l’homme à Dieu est directe. Chacun peut se lever et parler à Dieu sans intermédiaire n’importe où voire sur le lieu sacré. Alors que pour les chrétiens on arrive uniquement à Dieu en passant par son fils.

– La religion chrétienne insiste sur l’église comme lieu du culte alors que les Bamilékés pensent qu’on peut parler à Dieu n’importe où. Selon eux, Dieu est partout et dans la nature ainsi que dans les êtres créés par lui-même.

– Le prosélytisme est au cœur du christianisme : il recherche constamment des fidèles et des adhésions alors que dans la spiritualité Bamiléké, cela n’existe pas. Il n’y a aucune recherche d’adepte à la spiritualité Bamiléké. Chacun ressent le besoin de la pratique de cette spiritualité et s’y soumet. Personne ne vous reprochera de ne pas la pratiquer, ni n’essaiera de vous convaincre de le faire. Demander à quelqu’un de vous suivre dans votre spiritualité ne se fait pas. Il est même insensé de demander à un Bamiléké s’il croit en Dieu. La question ne se pose même pas, puisque la croyance en Dieu est le fondement même de la culture et de toute croyance ainsi que des comportements individuels ou collectifs.

– Il n’existe pas de prêtre ni de pasteur dans la spiritualité Bamiléké alors que ces derniers sont au centre de la religion chrétienne. Les officiants qui parlent ou font des offrandes sur le lieu sacré ne sont pas des prêtres, mais simplement des gens qui assistent les autres quand ils ne peuvent pas le faire par eux-mêmes.

– La collecte d’argent (dîme, offrandes etc.) est au centre de la religion chrétienne alors que personne ne collecte d’argent dans la spiritualité Bamiléké.

– Les préceptes de la spiritualité Bamiléké se transmettent oralement jusqu’à ce jour, alors que dans la religion chrétienne il existe un livre qui comporte toutes les prescriptions à mettre en œuvre. Ce livre est la Bible.


Reference

[i] Roger Kuipou, Le culte des crânes chez les bamilékés de l’ouest du Cameroun, https://www.cairn.info/revue-communications-2015-2-page-93.htm

[ii] Birago Diop, Leurres et lueurs, éditions Présence Africaine, 1960

10 replies on “LE BAMILEKE ET SA SPIRITUALITE”

Très bon article qui sans les opposer met plutôt en relief les valeurs de la spiritualité bamileke et de la réligion chrétienne,en plus d’avoir fait ressortir les raisons lointaines de la conservation des crânes chez les bamileke ,ainsi que les fonctions des concessions et des haies vives autour de celles-ci.

Aimé par 1 personne

Article tres interessant. Merci pour cette porte ouverte a la comprehension de la spiritualité bamileke. Sauf qu il faut savoir que la religion chrétienne est aussi ouverte à tous.

Aimé par 1 personne

certes la religion chrétienne est ouverte à tous, mais la différence est entre le fait qu’elle insiste sur le prosélytisme, ce.que ne font pas les bamilékés dans leur spiritualité. Personne m’invite ni n’incite l’autre à croire en Dieu dans la spiritualité Bamiléké. Les.chretiens de toute obédience recherchent les fideles, ce qui historiquement a même débouché sur des croisades, des massacres et persécutions. La spiritualité Bamileke est plutôt personnelle, familiale et pacifiste

J’aime

Toutes religions reveleees ou non ont un paramètre stable : le divin ou Dieu. Ce qui pourrait aussi signifier que ce sont de voies vers l’Unique vérité. Mais il est tout aussi important de noter qu il y a les degrés dans les choses. Donc toutes les religions ne peuvent pas se valoir

J’aime

Merci pour ce article limpide.
J aimerai savoir quels sont les Dieux divinités du Panthéon Bamileke un peu Comme chez nos voisin Yoruba
A ons nous des déesses bamileke ou alors dieu ou nos dieux sont ils androgynes, mariés, ….
nos Dieux meurent t ils?

Merci pour vos reponses.

Aimé par 1 personne

Les rituels funéraires du peuple Bamileke sont éloignés , qu ‘on le veuille ou non, du rapport à la mort voulu par la religion chrétienne. Souvenons -nous que Jesus demandait de laisser les morts ensevelir les morts . Le défunt appartient dès son décès à Dieu ,il lui est remis immédiatement et définitivement . Se préoccuper plus que de raison des morts n’est pas légitime. Dans la religion chrétienne les défunts, ancêtres ou non ,n’ont aucun pouvoir sur les vivants.Il n’y a pas de malédiction des ancêtres. Certes la religion catholique autorise des médiateurs comme Marie ,Mere de Dieu et
des Saints ,authentifiés comme tels par l’Église mais en aucun cas ils sont maléfiques. On peut les implorer ,ils répondent ou non.Le paradoxe ,il me semble,pour un bamileke, est d’être souvent à l’entrecroisement de deux religions ,celle du peuple ancestral,qui relève davantage de l’animisme et le christianisme . Elles n’ont pourtant pas le même contenu théologique et n’engendrent pas les mêmes pratiques .

Aimé par 1 personne

« Le défunt appartient dès son décès à Dieu. » C’est exactement ce que la spiritualité Bamileke pense aussi. La mort pour les Bamileke ainsi que dans la spiritualité chrétienne n’est pas une néantisation de l’homme. Les Bamilékés comme l’ensemble des cultures négro-africaine à en générale pensent que « les morts ne sont pas morts ». Les chrétiennes croient en une vie après la mort à travers la résurrection que Christ organisera alors que dans la spiritualité Bamileke, ta descendance et tes semblables continuent à vivre avec ta partie non visible et spirituelle en communion. Je ne pense pas que la résurrection chrétienne soit une résurrection physique, mais plutôt spirituelle. Quoiqu’il en soit, il est question de vie après la mort.

En effet les pratiques ne sont pas les mêmes entre la spiritualité Bamileke et la religion chrétienne, mais à mon avis, le fonds de la spiritualité n’est pas si différent. Est-ce que ce n’est pas cela qui justifie d’ailleurs la notion d’inculturation prônée par le papa Jean Paul 2? C’est-à-dire utiliser votre manière culturelle de croire en Dieu dans l’église chrétienne, ce qui était simplement autrefois une hérésie.

J’aime

La religion chrétienne insiste sur l’église comme lieu du culte alors que les Bamilékés pensent qu’on peut parler à Dieu n’importe où.

JE SOUHAITE INTERVENIR SUR CE POINT POUR APPORTER UN ECLAIRCI.

En tant que chrétienne, l’église n’est pas un lieu, mais c’est l’ensemble du corps de Christ. Jésus-Christ a dit : l’heure vient où les vrais adorateurs adoreront en esprit et en vérité. Ceci se fait à travers notre esprit et partout. Quand la Bible dit que Dieu enlèvera son église, il ne s’agit pas d’un bâtiment, mais de l’ensemble des croyants en Jesus-Christ.

Aimé par 1 personne

Autant les Bamilékés peuvent parler à Dieu n’importe où, autant les chrétiens peuvent aussi le faire je le sais. La similitude est simplement que certains lieux de culte sont plus désignés dans chacune des sphères spirituelles: l’église reste davantage le lieu de culte par prédilection pour les chretiens de même que certains lieux tels que les chutes d’eau, certains arbres spécifiques etc pour les Bamilékés. Ces endroits ne sont pas les seuls où on rencontre Dieu je souscris: Il se retrouve partout selon les deux croyances.

J’aime

Laisser un commentaire